Canucks–Canadien

TRANSPORTÉ PAR L’ÉMOTION

On donne la rondelle du match à un gardien qui vient d’obtenir un blanchissage, à la recrue qui joue son premier match, au coéquipier ou à l’entraîneur qui atteint un plateau significatif.

Mais hier, Tomas Plekanec l’a donnée à Élise Béliveau, celle par qui toute l’énergie du Centre Bell et du Tricolore s’est canalisée.

Quand tout a été terminé, l’auteur du but vainqueur est allé cueillir la rondelle que Max Pacioretty venait d’envoyer dans le filet désert des Canucks de Vancouver. Plekanec a pris le temps d’aller féliciter son gardien, ses coéquipiers, et de saluer la foule.

Puis, en sortant de la patinoire, il a fait signe au docteur David Mulder en lui demandant de remettre la rondelle à Mme Béliveau. Quelques rangées plus loin, l’altesse de la soirée soufflait des baisers aux joueurs qui venaient de gagner le match. Pour elle. Pour Jean Béliveau.

« C’était difficile de retenir nos larmes en voyant la force de cette femme-là », confiait après le match Max Pacioretty, encore ému par ce qu’il venait de vivre.

Malgré des performances sans éclat du Canadien lors des trois matchs qui ont suivi le décès de M. Béliveau, c’est hier, au retour de l’équipe à Montréal, que la victoire était obligée.

Elle lui est venue très tard – il restait à peine quatre minutes à la troisième quand Plekanec a accepté la brillante passe du jeune Sven Andrighetto –, mais elle s’était cousue durant tout le match avec des présences dominantes de chacun des trios.

Heureux dénouement devant une foule de 21 286 spectateurs.

Quoi, pas de salle comble ? On n’allait pas compter le siège laissé vacant par M. Béliveau ?

Pourtant, il était présent. Oh qu’il était présent.

UN HONNEUR

Si les retraits de chandail ont parfois l’air de n’avoir aucun effet sur les troupes, l’atmosphère de recueillement dans laquelle baignait le Centre Bell a soulevé les hommes de Michel Therrien.

« On n’avait encore rien montré à l’écran géant, la minute de silence n’avait pas encore lieu, et c’était déjà le plus silencieux que j’aie jamais entendu le Centre Bell, a confié Pacioretty.

« C’était un honneur de faire partie du match de ce soir, d’avoir pu jouer un match de qualité en son honneur. C’est un feeling que je ne pourrai pas oublier. Ça signifie beaucoup pour moi comme pour mes coéquipiers. »

— Max Pacioretty

Transporté par l’émotion, le Tricolore n’a jamais eu l’air d’une équipe qui n’avait récolté qu’une seule victoire à ses sept dernières sorties. On dira que ses adversaires avaient un peu l’air d’une équipe qui achevait un voyage de sept rencontres, mais encore fallait-il que le CH, après avoir été accueilli dans le silence, réduise les Canucks au silence.

Et c’est ce qu’il a fait.

Carey Price a reçu quelques tirs pas commodes, mais il n’en a vu que 16 au total. Ça abaisse la marque de la saison établie au mois d’octobre contre les Oilers à Edmonton (19).

Par grands bouts, le jeu de transition, mais aussi la pression exercée en zone neutre permettaient de générer constamment de nouvelles salves, ce qui a d’ailleurs forcé les Canucks à bloquer 15 lancers dans la seule première période.

UN TRIO QUI DOMINE

Le trio nouvellement créé de Pacioretty, Brendan Gallagher et Alex Galchenyuk a étourdi les frères Sedin pendant toute la soirée, les forçant à se défendre la plupart du temps. Prenez Gallagher, par exemple, l’auteur du premier but. À forces égales, il a été sur la patinoire pour 19 tentatives de lancers de son équipe et aucune des Canucks. Aucune !

À voir pareille domination, c’était normal que ce trio ouvre la marque.

« Notre trio a eu quantité de chances et il va falloir faire du meilleur travail à compléter nos jeux autour du filet, a souligné Pacioretty. Mais chaque trio aurait pu faire la différence ce soir. »

Michel Therrien devait voir les choses du même œil, car rarement l’écart d’utilisation entre le premier et le quatrième trio n’aura été aussi petit.

« Une victoire d’équipe », a d’ailleurs résumé Therrien après le match.

C’est en plein ce que prêchait Jean Béliveau lui-même en fin de troisième. Son message préenregistré, diffusé au grand écran en troisième période alors que l’impasse sévissait toujours, donnait l’impression d’un fantôme du Forum venu s’adresser aux joueurs pendant un temps d’arrêt.

De nouveau le silence dans le Centre Bell.

Il y en aura d’autres, aujourd’hui en la basilique Marie-Reine-du-Monde, solennels d’une autre façon.

Au moins, en attendant le dernier repos, la victoire et la fête ont prévalu… Et Mme Béliveau a même dansé.

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